Jean-Baptiste-Charles Bélanger, mathématicien, est né à Valenciennes en 1790. Il est mort à Neuilly-sur-Seine en 1874, venant à peine d'être mis à la retraite comme professeur de mécanique à l'École polytechnique, malgré son âge avancé.
Il avait alors plus de 80 ans, mais il avait conservé toute sa vigueur physique et toute sa puissance intellectuelle. A sa sortie comme élève du grand établissement où il devait enseigner presque jusqu'à la fin de ses jours, il était entré dans le corps des ingénieurs des ponts et chaussées. Il avait quitté bientôt ce service pour remplir les fonctions d'inspecteur des études à l'École centrale des arts et manufactures. Dans cette situation il avait pu trouver quelques loisirs et se consacrer à sa passion pour les mathématiques, qu'il a enrichies d'un nouveau procédé de calcul, approuvé et adopté par les géomètres du monde entier.
Bélanger a été non seulement un professeur éminent, vulgarisateur remarquable de la science acquise, mais encore un créateur et un initiateur. Il a composé des ouvrages restés classiques pour la plupart et qui ont instruit toutes les générations scientifiques du XIXe siècle. Voici les titres des principaux : Essai sur la solution numérique de quelques problèmes (1828) ; - Géométrie analytique (1842) ; - Cours de mécanique (1847) ; - Théorie de la résistance et de la flexion plane des solides (1858) ; - De l'équivalent mécanique de la chaleur (1863) ; - Traité de cinématique (1864) ; - Traité de la dynamique d'un point matériel (1865) ; - Traité de la dynamique des systèmes matériels (1866).- Il faut mettre hors de pair, parmi tous ces ouvrages, son Cours de mécanique, qui contient la dynamique et la statique générale, dont les notions si claires et si précises ont donné l'élan à toutes les grandes constructions qu'on a élevées, depuis trente années, sur les voies ferrées de communications des deux mondes, aussi bien en Amérique qu'en Europe et qu'en Asie.
Bélanger s'était aussi occupé de la construction des chemins de fer. En 1843, il proposa un plan de la ligne à créer de Paris au Havre. Il fut trouvé trop audacieux par les ingénieurs auxquels il vint soumettre ses idées, et on les abandonna pour le moment. Peu d'années après on devait reprendre ce projet destiné à relier Paris avec Rouen et le Havre, pour faire de ces trois métropoles une suite ininterrompue de ports grandioses et constituant, comme la trilogie commerciale de la France sur la route terrestre et maritime qui conduit le plus directement de Paris à New-York. Ce rêve d'un mathématicien et d'un théoricien devait être réalisé par des constructeurs et des praticiens ayant foi dans les principes des sciences pures, mère de toutes les applications.
Il est utile de mentionner spécialement son important travail sur l'équivalent mécanique de la chaleur, publié en 1863. Entre le mouvement vibratoire, qui constitue le calorique et le mouvement de dilatation moléculaire, qui augmente le volume du corps chauffé, la relation est directe et facile à obtenir. Elle se prête facilement à l'analyse mathématique, et c'est pour cela qu'elle a été pour les géomètres l'objet de calculs trés étendus et très complets.
Le mémoire de Bélanger est venu fournir une une nouvelle assise mathématique solide aux idées fondamentales émises successivement sur cet important sujet par les travaux de Sadi Carnot, Joule, Mayer, Ch. Combes, Résal, Verdet. Introduites dans la chimie et la physiologie toutes ces idées modernes sur l'équivalence de la chaleur et du travail n'ont point été stériles. Elles ont même donné, aux sciences physiques et naturelles, un élan énergique qui ne s'est point arrêté jusqu'à nos jours et qui produira certainement les plus merveilleux résultats. Le portrait placé dans notre livre a été fait d'après un croquis pris en 1840, d'après nature par un de ses élèves à l'École polytechnique.
Bélanger avait alors cinquante ans, mais d'après ce que m'a assuré mon père dont il fut l'un des professeurs dans ce célèbre établissement à cette époque, il paraissait à peine atteindre la quarantaine.
Georges Barral
Le Panthéon scientifique de la tour Eiffel
Nouvelle librairie parisienne, Albert Savine éditeur, Paris, 1892.
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