Gaspard Monge, géomètre, est né à Beaune, en Bourgogne, en 1746. Il est mort à Paris, le 18 juillet 1818. Son père était un petit marchand coutelier ambulant, qui fit tous les sacrifices pour mettre ses trois fils au collège de la petite ville qu'il habitait.
L'aîné, celui qui devait devenir le grand Monge, fut, dès son début, un sujet d'élite. Il remportait les premiers prix dans toutes les facultés ; ses maîtres trouvaient un plaisir particulier à inscrire, à côté de son nom, la formule quelque peu maniérée des écoles de cette époque : Puer aureus.
Cette expression voulait dire : Enfant comparable à l'or, c'est-à-dire élève d'élite.
A quatorze ans, il exécuta une pompe à incendie dont les effets frappèrent d'admiration les personnes les plus instruites. « Comment, lui demande-t-on, avez-vous pu, sans guide et sans modèle, mener à bonne fin pareille entreprise ? - J'avais, répondit-il, deux moyens de succès infaillibles ; une invincible ténacité et des doigts qui traduisaient ma pensée avec une fidélité géométrique.»
Gaspard Monge passa par l'École militaire de Mézières, d'abord comme élève, puis comme répétiteur et professeur. C'est là qu'il commença ses immortels travaux touchant la géométrie descriptive qu'il a créée. En 1794, il fut nommé à l'École normale pour y professer l'analyse transcendante. Il le fit avec tant d'éclat qu'un jour Lagrange, qui avait assisté à une de ses leçons pleines de vues nouvelles,
lui dit : « Vous venez, mon cher confrère, d'exposer des choses très élégantes ; je voudrais les avoir faites. »
En 1777, Monge s'était marié d'une façon curieuse. ayant rencontré chez des amis de Rocroy une personne de vingt ans, Mme veuve Horbon, il en devint fortement épris. Il lui demanda sa main directement, sans prendre la peine de recourir, suivant l'usage, à l'entremise d'un tiers.
Mme Horbon hésitait à répondre affirmativement, son premier mari, maître des forges, lui ayant laissé les ennuis d'une liquidation compliquée. « Ne vous arrêtez pas, madame, à de pareilles vétilles, dit Monge. J'ai résolu dans ma vie des problèmes bien autrement difficiles.
Ne vous préoccupez pas non plus de mon peu de fortune, les sciences y pourvoieront.» Le mariage eut lieu et cette union fut toujours sans nuage.
En 1783, Monge entre à l'Académie des Sciences à la place de Bezout, et, jusqu'en 1789, il se consacra aux mathématiques et à des recherches de météorologie.
Lorsque la Révolution éclata en juillet, il embrassa avec enthousiasme les idées de régénération proclamées par l'Assemblée constituante. Il fut nommé ministre de la marine le 10 août 1792. Il prit la part la plus active à la création des moyens de défense dont la France avait un besoin impérieux. Son passage aux affaires fut signalé par un redoublement d'activité dans tous les ports maritimes.
Monge, en 1795, fut nommé membre de la Commission chargée de choisir les chefs-d'œuvres cédés par le Pape et envoyé en Italie. Il retourna à Rome l'année suivante pour y coopérer à l'établissement de la République. C'est là qu'il se lia avec Bonaparte d'une amitié que rien ne put jamais altérer, et quand l'expédition d'Egypte fut décidée, il fut désigné un des premiers pour en faire partie.
Lorsque, dans la première séance de l'Institut du Caire, le 23 août 1798, on agita la nomination du président, le général en chef déclina ces fonctions dans les termes suivants : « Il faut placer Monge et non pas moi à la tête de l'Institut. Cela paraîtra en Europe beaucoup plus raisonnable.»
Monge devint l'âme de toutes les recherches scientifiques. C'est lui qui trouva l'explication du mirage, phénomène totalement inconnu jusqu'alors en Europe, et qui, présentant aux yeux des soldat harassés et mourrant de soif, la vaine apparence d'une nappe d'eau qui fuyait à mesure qu'ils approchaient, les égaraient loin des colonnes et causait la mort de beaucoup d'entre eux.
Il explora les ruines de Péluse, dont il reçut plus tard le nom comme titre de noblesse. A son retour en France, il consacra son temps à mettre en ordre tous les documents rapportés, et il reprit ses fonctions à l'École polytechnique qu'il aimait tout particulièrement et à la fondation de laquelle il avait pris la part la plus considérable.
« J'ai quatre passions, disait-il souvent : La géométrie, l'École polytechnique, Bonaparte et Berhollet! »
La ville de Beaune a élevé une statue à Monge en 1849, et la ville de Paris a donné son nom à une des grandes artères de la rive gauche de la Seine.
Son portrait a été fait d'après un dessin exécuté par Louis-Léopold Boilly, en 1797, lorsque Monge était ministre de la marine.
Georges Barral
Le Panthéon scientifique de la tour Eiffel
Nouvelle librairie parisienne, Albert Savine éditeur, Paris, 1892.
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