Ce qu'il falloit trouver...
Il est plus difficile de la trouver la vraye cause des mouvemens de la mer, que de trouuer la trisection de l'angle, les deux moyennes proportionnelles, ou la duplication du cube, & la quadrature du cercle, dont les deux premieres ont deja esté demonstrées par le moyen des sections coniques, & la derniere n'a pas encore esté rencontrée, quoy que plusieurs se la soient imaginée, comme Longmont, qui a creu que le diametre du cercle est commensurable en longueur à sa circonference, avec lequelle il dit qu'il est comme 100 000 000 000 000 à 31 418 596 044 275, ce qui ne peut arriver, puisque Viete a demonstré que quand le rayon est de 100 000 parties, que le semidiametre du poligone circonscrit de 393 216 costez est moindre que 31 415 926 537. Donc la circonference de ce poligone et de 31 419 926 537 si le diametre est de 10 000 000 000. Or la circonference du cercle est moindre, donc si le diametre est de 10 000 000 000 la circonference du cercle sera moindre que 31415926537 & consequemment elle n'aura pas 31 418 596 044 275 comme a creu Longomontanus. Mais ie viens aux mouvemens de la mer, particulierement à celuy de son flux & reflux , qui est le plus frequent & le plus notable, & qui retarde chaque jour de 3/4 ou de 4/5 d'heure ou environ.
Le flux commence à se faire à mesme temps que la Lune se leuc, & s'augmenté peu à peu jusques à ce qu'elle soit à son midy, & le reflux commence quand elle descend de son midy à l'Occident : & puis le flux revient, lors qu'elle ya de l'Occident au poinct de minuit, & finalement le reflux se fait quand la Lune retourne de minuict à l'Orient.
Or selon qu 'elle retarde chaque jour son mouvement de 13. degrez ou environ, le flux se retarde aussi, quoy que les vents alterent quelquesfois yn peu le mouvement de la mer... Certainement ces deux phenomenęs qui s'accompagnenti touſiours , font croire à plu ficurs que la Lune eſt cauſe du mouuement de la mer : ce qu'elle ne peut faire par ſa lu miere, ou par ſa chaleur, en la rarefiant, puisqu 'elle n 'a point de lumiere quand elle eſt nouvelle, quoy que le flux ſsit pour lors beaucoup plus grand qu'aux autres temps qu'elle luit : & consequemment il faut admettre quelque autre influence qui penetre la terre, comme la vertu de l'ayman penetre la table à travers la quelle il meut le fer.
Mais parce que nous ne sçaurions prouver si la Lune est cause de ce mouvement, ou si la mer est cause de celuy de la Lune, ou si vne troisiesme cause fait mouvoir ces deux corps, & que la terre a peut-estre quelque mouvemene analogue à la respiration des animaux, d'où la mer tire son flux & reflux, il vaut mieux considerer ses autres mouvemens, que de s'arreſter à ce qui ne se peut sçauoir, soit que l'on establisse le mouvement de la terre pour donner le bransle à la mer, ou que l'on prenne telle autre hypothese que l'on voudra ?
Le deuxième mouvement de la mer se fait d'Orient en Occident, car les Nautonniers font ordinairement le mesme chemin d'Orient en Occident en trois-semaines, qu'ils font en trois mois d'Occident en Orient ; quoy que ceste difference puise venir des courants & des vents, sans qu'il soit besoin de donner vn mouvement particulier à la mer.
Quelques-vns mettent un troisiesme mouvement du Septentrion au Midy, à cause que l'on va plus aisement d'Affrique en Europe sur la mer Mediterranée, que l'on n'en revient. L'on tient que les grands fleuves qui y entrent du costé du Septentrion, par exemple le Danube & le Tanais, la font rebrousser.
On met encore vn quatrieme mouvement circulaire en la mer Adriatique, à raison du rencontre des deux mouuemens precedens qui se fait à ses bords, le laisse plusieurs autres mouvemens qui se remarquent dans les differentes parties de la mer, & dans l'Europe, parce que l'on ne peut les cognoistre si l'on n'en fait de particulières observations.
Marin Mersenne Questions inouës ou récréation des savants
Paris, 1634.
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