Ce qu'il falloit trouver...
Quelques-uns se sont mis en peine, & ont travaillé à establir le commencement du jour à un certain lieu & meridien de la terre, comme a fait Nicolas Bergier dans son traicté du poinct du jour, dans lequel il choisit le 180. degré de longitude pour ce subject, afin que les Chinois, les Tartares, les Japonois, & tous ceux qui sont vers la mer d'Orient comencent leurs jours 12. heures devant ceux des Azores, ou l'on met le premier degré de longitude ; de sorte que ceux-cy gardent toutes leurs festes un jour plus tard que ceux- là.
Puteanus croid qu'il faut mettre ce commencement du jour au 216. degré, & au 30. de longitude, dans le traicté qu'il intitule, le cercle Vrbinian, parce qu'il a voulu faire passer le meridien de ce degré par Rome, afin que tout le monde prenne la pleine Lune selon qu'elle paroist dans ceste ville, le soir du Samedy qui regle la Pasque : autrement les uns seront contraints de celebrer la feste de Pasques une semaine entiere apres les autres. Mais je ne veux pas transcrire ces auteurs, dont le dernier eust profité à la lecture du premier, s'il eust pris la peine de le lire : il suffit de voir ce qu'il a escrit des quatre commencemens du jour, & l'Apologie qu 'il a faite contre Michalorus pour voir tous ses sentimens. Car quant à la verité, il importe fort peu que les Chinois, & tous les Orientaux, commencent le jour 12. heures devant ceux des Azores, & que les uns celebrent les festes, & gardent les jeusnes, & les autres ceremonies de l'Eglise, un jour devant, ou apres les autres veu que si les Chreſtiens sont raisonnables, comme ils doivent estre, ils ne blasmeront nullement ceux qui venant de l'Orient ne jeusneront pas, ou ne garderont pas les festes, & les autres observances de la police Ecclesiastique, parce qu'ils auront desja satisfaict aux preceptes de l'Eglise : au contraire ils les louëront plustost d'avoir esté les plus diligens, comme on louë ceux qui payent leurs debtes avant le terme. Et les Orientaux ne blasmeront pas la paresse des Ocidentaux, parce qu'ils sçavent que l'auteur du Soleil & des jours ne veut pas qu'ils se hastent davantage. Et puis si l'on conſidere qu'il n'est pas moins à la gloire de Dieu que la solemnité de chaque feste dure quarante-huict heures, comme il arrive en laissant le monde comme il est, que si elle n'en duroit que douze, comme il arriveroit dans les hypotheses de Puteanus ; je croy que l'on ne conclura pas qu 'il faille suivre sa ligne, qu'il appelle Archimerine, & que l'on se contentera de sçavoir que l'equinoctial estant divisé en 360. degrez, il s'ensuit que l'on a plustost le jour à mesure que l'on quitte les Azores, ou le premier degré de longitude, & que l'on approche du 180. car puisque le Soleil fait le tour de la terre dans vingt-quatre heures, il s'en suit qu'il fait 15. degrez à chaque heure, & 180. degrez dans douze heures ; & que l'on gagne un jour de douze heures depuis le premier degré de longitude jusques au 180. & un jour entier de vingt-quatre heures, lorsque l'on passe outre le 180. jusques à ce que l'on revienne au premier degré : quoy qu'en effet on ne gagne rien, & que l'on ait vescu autant d'heures, & autant de temps, que si l'on s'estoit tousjours tenu en mesme lieu : c'est pourquoy les subtiliter que l'on deduit de ceste mutation, par exemple que l'on peut avoir une semaine de 5. 6 . ou 9. & 10 . jours : que celuy qui est le premier né peut estre le plus jeune, que l'on peut avoir l’un des pieds sur le Dimanche, ou sur le 16. siecle, & l'autre sur le Lundy, & sur le 17. siecle en mesme temps, & mille autres semblables ne sont pas des plus grandes, ny des plus deliées, & sont plustost dans l'apparance ; que dans la verité.
Marin Mersenne Questions inouës ou récréation des savants
Paris, 1634.
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