Jean-Augustin Fresnel, physicien, est né à Broglie, près de Bernay, dans cette partie de l'ancienne province de Normandie qui forme aujourd'hui le département de l'Eure, le 10 mai 1788. Il est mort à Ville-d'Avray, près de Paris, le 27 juin 1827. Il entra à seize ans et demi à l'École polytechnique, où son frère ainé l'avait précédé d'une année.
Sa santé était extrêmement faible, et faisait craindre qu'il ne pût pas supporter les fatigues d'un aussi rude noviciat. Mais ce corps débile renfermait une âme vigoureuse. Lorsqu'il sortit de cet établissement, après avoir été un élève des plus brillants et avoir reçu les félicitations publiques du géomètre Legendre, pour la solution difficile d'un problème de géométrie, il entra à l'École des Ponts et Chaussées, qu'il quitta avec le titre et les fonctions d'ingénieur ordinaire et fut envoyé en Vendée d'abord, puis successivement dans les départements de la Drôme et de l'Ile-et-Vilaine.
Fresnel ne se consacra aux sciences pures qu'en 1814. Le premier mémoire qu'il ait rédigé a rectifié l'explication fort imparfaite du phénomène d'aberration annuelle des étoiles. A partir de ce moment, les mémoires succédèrent aux mémoires, les découvertes aux découvertes, avec une rapidité dont l'histoire des sciences offre peu d'exemples. Le 28 décembre de cette année, on le vois écrire de Nyons: " Je ne sais pas ce qu'on entend par polarisation de la lumière. Priez M. Mérimée, mon oncle, de m'envoyer les ouvrages dans lesquels je pourrai l'apprendre. " Huit mois après, ses travaux le plaçaient parmi les plus célèbres physiciens du temps, et en 1819 il remportait un prix proposé par l'Académie des Sciences sur la question si difficile de la diffraction. C'est Grimaldi qui avait aperçu le premier ces singuliers accidents de lumière auxquels il donna ce nom. Newton en fit ensuite l'objet d'une recherche toute spéciale. Il crut y voir des preuves manifestes d'une action attractive et répulsive très intense, qu'exerceraient les corps sur les rayons qui passent dans leur voisinage. Cette vue, en la supposant réelle, ne pourrait s'expliquer qu'en admettant la matérialité de la lumière. Le phénomène de la diffraction méritait donc, par cette seule raison, de fixer au plus haut degré l'attention des physiciens. Plusieurs, en effet, l'étudièrent, mais par des méthodes inexactes. Fresnel fut le premier qui donna à ce genre d'observation une perfection inespérée en montrant qu'il n'est pas nécessaire pour constater les bandes diffractées de les recevoir sur un écran, comme Newton et, tous les autres expérimentateurs l'avaient fait jusque-là, qu'elles se forment nettement dans l'espace même où l'on peut les suivre avec toutes les ressources qui résultent de l'emploi du micromètre astronomique armé d'un fort grossissement. Les travaux de Fresnel sont presque tous relatifs à l'optique. D'abord il s'occupa de la réfraction, puis des interférences, de la polarisation, de l'émission des ondes, pour aboutir à sa découverte capitale, à celles des phares lenticulaires ou à lentilles décroissantes, qui l'a immortalisé justement, car elle a été un immense bienfait pour la navigation.
Sa santé, toujours précaire, ne put résister à tant de fatigues intellectuelles. A peine âgé de trente-neuf ans, il s'éteignit épuisé. Quelques jours avant sa mort, Arago fut chargé d'aller lui porter la médaille de Rumford que la Société Royale de Londres lui avait décernée. "Je vous remercie, lui dit-il d'une voix éteinte, d'avoir accepté cette mission. Je devine combien elle a dû vous coûter, car vous avez senti que la plus belle couronne est bien peu de choses, quand il va falloir la déposer sur la tombe d'un ami. "
Arago répondit : "C'est un témoignage d'immortalité que j'apporte à votre grande âme. Il vous prouve que le monde entier reconnait l'importance de vos travaux. Votre nom ne périra pas. Comptez sur tous les savants, vos amis et vos admirateurs, comptez sur moi-même, pour conserver le culte de votre mémoire. "
Un monument a été élevé à Broglie (Eure), à la mémoire d'Augustin Fresnel, le 14 septembre 1884, sur l'initiative du duc Albert de Broglie, l'un des Quarante de l'Académie française.
La ville de Paris a donné son nom à une des ses rues de la rive droite de la Seine. Le portrait de notre livre a été fait sur la lithographie exécutée d'après nature en 1823 par Jules Boilly.
Georges Barral
Le Panthéon scientifique de la tour Eiffel
Nouvelle librairie parisienne, Albert Savine éditeur, Paris, 1892.
|