Jean-Baptiste Joseph Delambre, astronome, est né à Amiens le 19 décembre 1749 ; il est mort à Paris le 18 août 1822. Savant de génie, ses hautes facultés ne s'éveillent que fort tardivement. Il n'avait pas moins de trente-six ans, en effet, quand il commença à étudier sous Lalande la science qui devait immortaliser son nom.
Mais son début dans la carrière scientifique fut un coup de maître. Ses tables d'Uranus lui valurent en 1790 le prix de l'Académie des Sciences de Paris ; deux années après lorsqu'il présenta à ce corps savant ses tables de satellites de Jupiter et de Saturne, il fut nommé membre à l'unanimité des voix.
L'Assemblée constituante ayant décrété l'établissement du nouveau système métrique de mesures, Delambre reçut en 1791, avec Méchain, la mission de mesurer l'arc du méridien terrestre compris entre Dunkerque et Barcelone. Cette opération si importante fut sans cesse interrompue par les grands évènements politiques qui se passèrent à cette époque à jamais mémorable ; elle ne put être terminée qu'en 1799. Napoléon, pour le récompenser, le nomma chevalier de la Légion d'honneur en 1804 et lui confia, en 1808, les fonctions de trésorier de l'Université récemment créée.
Delambre a été un libre esprit, comme Jérôme Lalande, Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, Lamarck. Il a laissé une Histoire de l'astronomie, qui malheureusement est inachevée. Il est mort pendant qu'il en terminait la première partie qui est un chef-d'œuvre, au point de vue de la science comme de la valeur littéraire. Delambre avait bien préparé pour composer un tel ouvrage. Il avait fait ses études au Collège de sa ville natale, où il connut l'abbé Dellile, alors simple répétiteur des classes latines. Il était devenu, sous ce maître élégant, un très fort humaniste, un hélléniste sagace, un écrivain brillant. Il en fit la preuve toute sa vie, dans tous ses livres, et notamment comme secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences. Chargé par ces fonctions d'écrire l'histoire annuelle et générale des mathématiques et d'apprécier les talents et les travaux de ses confrères décédés, il accomplit ce devoir, toujours dans les termes les plus littéraires. On sait aussi que c'est lui qui a rédigé les articles relatifs aux astronomes anciens et modernes dans la Biographie universelle de Michaud. Il le fit avec une modestie qui n'a d'égale que la profondeur sa science. Qu'on y lise pour s'y rendre compte, la notice qu'il consacre dans cette célèbre encyclopédie à son collaborateur Méchain. On ne se doutait pas, si on ne le savait d'ailleurs, que c'est lui Delambre qui a partagé les travaux de Méchain, ou pour parler plus exactement que c'est à lui-même qu'est due la plus grande partie de leur conception.
L'éloge de Delambre a été prononcé par Cuvier, Biot, Arago, trois bons juges dans la valeur des hommes et des découvertes.
Un trait caractéristique de Delambre a été rapporté par Cuvier, qui a raconté que lorsqu'il sentit sa fin approcher, il vit la revue de sa vaste correspondance, mit à part toutes les lettres qu'il avait reçues de chacun des savants français et étrangers avec lesquels il entretenait un commerce épistolaire, et pria sa femme d'apprendre à chacun d'eux qu'il pouvait réclamer ses lettres ou en ordonner la destruction.
La ville de Paris a donné le nom de Delambre à une rue de la rive gauche de la Seine. Le portrait de notre livre a été exécuté d'après une gravure de Louis-Léopold Boilly, faite sur nature en 1803.
Georges Barral
Le Panthéon scientifique de la tour Eiffel
Nouvelle librairie parisienne, Albert Savine éditeur, Paris, 1892.
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