Agronome, chimiste, physicien, né à Metz, chef-lieu de la Moselle, 31 janvier 1819 ; il est mort à Fontenay-sous-Bois, près de Paris, le 10 septembre 1884. Il était le fils unique d'un ancien militaire, né en Savoie, qui fit les campagnes de Napoléon, fut officier d'ordonnance du général Junot, pendant les guerres d'Espagne et de Portugal, et qui avait donné sa démission après Waterloo, pour se retirer dans la capitale de la Loraine, afin d'y vivre dans la retraite avec sa modeste pension de lieutenant et de chevalier de la Légion d'honneur.
Barral entra en novembre 1838, à l'École polytechnique, dans les premiers rangs, et il en sortit en 1840, avec le titre d'ingénieur des tabacs, attaché à la manufacture de Paris. Là il s'adonna à ses goûts pour les recherches chimiques et l'étude de la physique. Il débuta par rechercher dans la feuille du tabac la substance toxique qu'on y soupçonnait, mais qu'on n'était pas encore parvenu à obtenir pure et à analyser. Il parvint ainsi, le premier, à isoler la nicotine, alcoïde énergique, dont une seule goutte suffit pour donner la mort à un chien, et dont les propriétés vénéneuses furent employées par le Comte de Bocarmé pour commettre, en 1850, un crime resté fameux dans les annales judiciaires de la Belgique. Ces découvertes, qui le mirent immédiatement en lumière, ont été consignées en 1811 et en 1815 dans les Comptes rendus de l'Académie des Sciences. Elles furent suivies successivement d'études sur la précipitation de l'or à l'état métallique, l'argenture galvanique, les électro-aimants, sur la statique chimique de l'homme et des animaux, la composition des eaux pluviales, le drainage des terres arables, les irrigations, le blé, les farines, la composition chimique de la croûte et de la mie de pain, des diverses formes de la grêle, l'influence de l'humidité souterraine et de la capillarité du sol sur la végétation des vignes, le phylloxera, etc.
En 1850, les 29 juin et 17 juillet, en compagnie de Bixio, Barral a exécuté deux ascensions en ballon restées célèbres, parce que, depuis 1804, date de celles de Biot et Gay-Lussac, elles furent un réveil pour la science aérostatique, complètement délaissée jusqu'à cette époque. La seconde fut féconde en résultats scientifiques, longuement exposés par Arago, dans les Comptes rendus de l'Académie des Sciences ; notamment, les deux observateurs s'étaient trouvés au milieu de petits glaçons qui réfléchissent la lumière du soleil de manière à en former une image placée au-dessous du ballon. Ainsi fut vérifiée l'hypothèse de l'abbé Mariotte sur la cause des halos et des parasélènes, qu'il attribuait à des glaçons suspendus dans les hautes régions de l'atmosphère.
La première ascension avait été particulièrement dramatique. Un de ses épisodes a été raconté de la façon suivante, par M. Pierre Véron, dans Le Monde illustré : "Le ballon était parti de l'Observatoire de Paris. On voulait atteindre des hauteurs inexplorées. On rêvait des expériences de toute genre. Après avoir franchi une altitude de 5 000 mètres, une déchirure se produisit.
La descente involontaire commença aussitôt, s'accélérant de plus en plus, exposant les deux aéronautes à une mort presque certaine. Tous deux cependant avaient conservé le sang-froid le plus parfait. Sans prononcer un mot, ils s'étaient serré la main, dès qu'ils avaient vu le péril imminent et imprévu. Cet adieu muet échangé, on n'avait plus pensé qu'à faire le possible pour retarder l'écrasement. Détail effroyable ! On lançait par dessus bord tout ce qu'on avait emporté: les couvertures, les provisions, les sacs de lest, sans les éventrer, excepté les instruments d'optique et de météorologie qu'ils réunissait sur leurs genoux. Et la nacelle emportée vertigineusement par le poids de ceux qui la montait, dépassait dans sa chute toutes les épaves jetées au vent. Il n'y avait plus qu'à mourir. Comment conserver une lueur d'espoir ?
"Eh bien non. On tomba dans un champ de vignes. Les cordages s'accrochèrent aux échalas. La nacelle fut prise entre les arbrisseaux qui amortirent le coup. Les deux savants furent saufs. Barral, dès qu'il eut mis le pied à terre, se retourna vers Bixio et avec le plus beau sang-froid du monde : - Décidément Icare n'était qu'un maladroit ! - A quoi Bixio répondit sur le même ton : Je crois que jamais auteur dramatique ne fit pareille chute ! - Des gaillards rudement trempés ! Quand ces hommes de science s'en mêlent, ils ne craignent pas la comparaison avec les hommes de guerre."
Barral a professé la chimie, la physique, la technologie, l'agronomie, à l'École polytechnique, au Collège Chaptal et au Collège Sainte-Barbe, où il a formé les élèves les plus brillants comme MM. Eiffel, Maurice Bixio, Paul Christofle, Robert David d'Angers, Ernest Lamé-Fleury, le colonel Lichtenstein, A. Puton, directeur de l'Ecole nationale forestière, le général Perrier, membre de l'Institut, Tessié du Motay, Mathieu-Plessy, Mercadier, directeur des études à l'Ecole polytechnique, de Luca, Paul Laur, le charmant écrivain et l'érudit et éloquent professeur de commerce de l'Institut commercial de Paris, et bien d'autres. Il a consacré la seconde partie de sa vie au développement de l'agriculture et il a exercé une action profonde sur les progrès de la science agronomique. Barral a été l'exécuteur scientifique de François Arago, d'Alexandre de Humboldt, du Comte Adrien de Gasparin, dont il a publié les œuvres posthumes, à tous les trois. Pendant plus de vingt ans, Barral a été le rédacteur en chef du Journal d'Agriculture pratique, fondé en 1837 par son ami intime, Alexandre Bixio, puis il créa, en 1860, la Presse scientifique des Deux-Mondes, qui est continuée aujourd'hui sous le nom de Journal-Barral, et fonda le Journal de l’agriculture, en 1866; en outre, Barral a publié différents ouvrages, parmi lesquels il convient de retenir : La statique chimique des animaux ; Le traité de drainage ; Le blé et le pain ; Les irrigations dans le département de Vaucluse ; L’agriculture, les prairies et les irrigations dans la Haute-Vienne ; La trilogie agricole ; La lutte contre le phylloxéra, etc., etc.
Barral a fourni aussi de nombreux mémoires, articles et notices à la Revue des Deux-Mondes à la Démocratie pacifique, au Phalanstère, aux Annales de chimie et de physique, Opinion nationale, au Télégraphe, à L'Ami de la Maison, à la Revue scientifique, au Dictionnaire des arts et manufactures, au Grand dictionnaire Larousse, à l'Encyclopédie du XIXe siècle, au Bulletin de la Société d'encouragement pour industrie nationale, etc.
Membre du Conseil général de la Moselle jusqu'en 1870, secrétaire perpétuel de la Société nationale d'Agriculture de France, membre du Conseil de la Société des Agriculteurs de France et de la Société d'encouragement à l'Industrie nationale, commandeur de la Légion d'honneur, décoré de tous les ordres étrangers, sans qu'il les eût cherchés, il a fourni sa féconde et utile carrière, sans brigue et sans ambition.
Son buste a été placé dans les galeries de l'Hôtel de la Société nationale d'agriculture de France, rue de Belle-chasse, à Paris. Son éloge a été prononcé en séance publique, le 21 juillet 1889, par M. Louis Passy. Le portrait que nous donnons a été exécuté sur nature, le 31 janvier 1879. Barral avait alors 60 ans.
Georges Barral
Le Panthéon scientifique de la tour Eiffel
Nouvelle librairie parisienne, Albert Savine éditeur, Paris, 1892.
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